Entre le très bien écrit (Bloomingdale’s) et le très mal écrit (La Samaritaine), il y a de la place pour moi (Macy’s).
Une fausse Mont-Blanc avec son carburant noir. C’est le cadeau des tigres de papier, acheté quelques dollars sur Canal Street. La désintégration du placage imitation or encourage l’industrie du luxe. C’est une manie des sociétés esclavagistes d’imiter les beautés des manufacturiers bien pensants. Encore un marché de plusieurs milliards, un herpès monstre venu d’Asie défigurer le visage haut de gamme des horlogers protestants. Un sport maléfique vampire du libéralisme, pour la plus grande joie des amateurs de détournements.
Beaucoup dans la naissance, rien dans la mort, le reste chez IKEA. Sortie pyjama pour une carte postale. J’ai bien vu la lumière entre tes stries. Encore un peu de menthol dans les pupilles. Te voilà sur une plage avec un bronzage dans le regard immature et une glace à l’eau coulant des jours malicieux.

La rigueur, c’est laisser tomber toute forme de repentir causal.
Un appel de Venise, un téléphone à Paris. Je remarque une curieuse anomalie dans le déroulement de ces appels, une inversion émotionnelle, rien d’extraordinaire. Nico est signalée en Italie, elle a un nouveau chien tibétain arrivé aujourd’hui même à l’aéroport Marco Polo. Ses aboiements tapissent le fond sonore de nos paroles. Très belle, comme peuvent l’être les belles Italiennes, elle allume un désir dans la libido à tiroirs et doubles fonds. C’est l’expansion sophistiquée, cool et semi-clandestine du sexe. Quant à Katharina appelée à Paris, réactivée rétrospectivement, elle incarne la version rageuse et animale. L’anomalie c’est que je ne suis pas vraiment supposé appeler l’une mais plutôt l’autre, la surprise vaut inversement. Soit, il n’y a rien de contradictoire. J’observe que même les contradictions sont contradictoires.
Peut-on rester relax avec l’écriture, gommer les enjeux, la personnalité, le style ? J’allais dire oublier jusqu’au contenu. Agir comme un dormeur en repérage. Guider un rêve avec le sonar. S’approcher nonchalamment, faire le tour du propriétaire et basta, se laisser aspirer dans la constellation vers le pulsar. Pas de texte, pas de fond, aucune ambition, exit la littérature. Juste une sorte d’attitude at large, quasi insignifiante, occasionnellement chimique.
Je me lève, 9h30. Café, petit déjeuner, journaux. Après le second café, j’entame un discours, seul dans ma cuisine. J’improvise, je parle très fort au carrelage pour une audience céramique. Jusque là rien de capital. Je dis tout, absolument tout, j’argumente à fond. Plus ça va vite mieux c’est. Je suis intimement persuadé qu’il se passe des choses stupéfiantes. J’utilise un langage foudroyant, parfait, une langue impitoyable. C’est la clef politique de mon existence. J’évite scrupuleusement de fixer les mots, de les inscrire ou de les transcrire. La pureté, ce n’est rien d’autre.
Vol TWA pour New York. Compagnie déficitaire, horaire foireux, matériel approximatif, transport de bestiaux, hôtesses de l’air fatiguées par les OPA, film dégueu, buée sous le plastique qui emballe la nourriture.
Un travail sur le détachement, une suite à l’hôtel, des émotions fortes, un peu d’argenterie salie, des rideaux lourds rouges tirés, des talons compensés piqués de strass, incrustés d’artefacts polarisants. Et ce très puissant rayon lumineux interstitiel venu frapper de plein fouet le sexe encore un peu à vif de cette jeune femme qui ne finit jamais ses phrases, les commence n’importe où et inversement.
Son odeur humide, momentanément désactivée, cette fente qui maintient toutes les saveurs et les redistribue X fois concentrées. Un colis piégé qui explose dans la bouche substantifiée.
Absorption-retard d’une dose de catastrophe aérienne et d’un suppositoire d’exactions racistes.
On va vers l’été, vers l’exhibition perfectionniste de l’ennui diurne et la dilution charnelle dans l’électricité nocturne.
Mais pourquoi la littérature est-elle toujours tellement vieille ? C’est qu’elle est pilotée par la partie la plus ancienne du cerveau.
Cette courte virée à Brooklyn avec Frank Schröder pour visiter l’atelier de Curtis Mitchell. Palabres dérisoires à propos de ma fausse Rolex modèle « Daytona ». Le moindre signe de richesse, même proprement usurpé, pourrait faire de nous des cibles. C’est vrai qu’ici on assassine pour moins que rien.
“ Less than zero ”. Un des plus beaux titres de livre.
Le décalage horaire, une sorte d’horaire des décalages.
Correspondance: une femme, un test. La conquérir, non pas par excès mais plutôt par défaut, par absence volontaire, charmes exclusifs. Cette pratique révèle un archétype un peu décevant mais bien sûr fatal. Rien ne remplace la présence physique, la représentation tridimensionnelle de l’émotivité, tête chercheuse de la réciprocité des sentiments, de l’échange des sucs et de la formation de complicités inductrices de promesses, à cultiver ou à consommer hors des hypothèses.
Intriguée, oui peut-être par les mots et les enveloppes, bien plus que par la personne qui se trouve à son origine. Dans le fond, elle ne fera pas le rapprochement, de peur d’être séduite par un absent qui écrit. Elle procédera à la séparation des biens avant même qu’il n’existe quoi que ce soit. Le contraire paraît improbable.
Le plaisir de recevoir des lettres est une chose, celui de manipuler des êtres une autre. Elle reprochera éventuellement à celui qui lui écrit de pouvoir se passer d’elle, de fixer les enchères sensitives sans prendre de parti clairement actif. D’emblée cette méthode comporte une légère perversion inaperçue : un type qui écrit, c’est un type qui ne bande pas. C’est souvent le contraire, mais c’est une toute autre histoire.
Une fois cette conquête démêlée, d’autres moyens ont été mis en oeuvre, on s’en doute, et si d’aventure les lettres arrivaient toujours, l’écriture deviendrait concurrente. Elle perdrait alors sa spécificité.
Banana Yoshimoto.
Le Japon contemporain fabrique des êtres forcément doubles et ambigus, poètes et violents, incestueux, transsexuels, lesbiens ou suicidaires, dans une perpétuelle banlieue de l’âme, périphérie de nulle part. Ici rôdent des monstres embryonnaires garde-fous de beautés allusivement paradoxales. Le mutisme, la souffrance intérieure dans ce Japon policé est un tabou ravalé au rang de fait de société. Les phénomènes magiques ont l’apparence de petites vengeances et l’humour semble parachuté d’ailleurs. D’entre les dents peut-être. D’où le goût invétéré pour les extrêmes. Le culte sado-maso dès les premières lueurs de l’aube.
Une ligne d’héro qui m’a fait songer en l’absence d’électrocardiogramme à un océan personnel, avec par-ci par-là des dépressions fabuleuses.
Mes tentatives d’auto-interview relatif à mon travail “ visuel” m’obligent à gérer une petite schizophrénie. Est-ce la méthode qui cloche ? Le parti pris de l’ambidextérité comme mécanisme du dialogue pourrait être le bon. Et pourquoi pas réhabiliter le cadavre exquis, établir une contrainte chronologique, voire thématique. Que d’éventualités pour échapper momentanément aux poncifs. Ils vont me rattraper vite fait bien fait.
Que faire d’un rat au paradis ? Le relâcher.
Dahlia Noir. Rose Chine. Violine. Tangerine. Beige Antique. Brun Cassis. Brun Cuivre. Shocking Rose. Rouge Star. Ultra Violet. Alchimie Pourpre. Brun Sombre. Rouge Brûlant. Mauve Taboo. Raisin. Rose mystère. Prune Eternel. Fusion rouge. Terre de Feu.
Moi, mon rouge, je le porte non-stop ! Parce qu’il est hyper longue tenue, qu’il ne laisse aucune trace et qu’il est vraiment ultra confortable.
Dans les films X, le passage de la sodomie, en général plutôt soutenu, à l’expulsion de sperme sur la bouche, télégénie oblige, mais aussi dans la bouche, se produit d’un seul tenant. Il n’y a pas d’accrocs, ni d’arguments hygiéniques sur le chemin qui mène de l’un vers l’autre.
Quand le sexe sort du cul, on voit l’admirable travail accompli par le relâchement des muscles autour de l’anus. La béance bien lubrifiée et le vertige devant l’abysse d’un désir aussi matérialisé, se double d’une légère inquiétude de ne pas pouvoir s’identifier. Le déculage au cinéma a cette petite longueur d’avance sur l’enculage, c’est qu’il montre victorieusement et anatomiquement les résultats de l’oeuvre achevée. Quant à la voie classique des rapports sexuels, il n’en reste qu’un vague cliché à la dérive.
Le temps de s’approcher du visage de la miss — elle darde la langue en professionnelle — les jets fusent. Le sperme en général a une belle couleur, une consistance plutôt sympathique et un goût variable selon les sondages et les statistiques. Sur le visage transformé en autel vient s’écraser par pinceaux successifs, la couche lucide. La bouche au passage prend directement son pourcentage pour ne pas dire son dû. Pour l’occasion les yeux restent fermés ou alors s’illustrent.
Ensuite le sexe ramasse en balayant comme un essuie-glace sur le visage fléché de partout, des conglomérats de liquide, puis retourne dans la bouche. Ainsi de suite jusqu’à épuisement du stock. Le sexe bandant continue d’être sucé sur une bonne longueur tant qu’il s’y prête. Les traces de merde demeurent résolument introuvables. Le passage de l’anus à la bouche ne doit pas être particulièrement populaire, et pourtant c’est si facile.
La résurrection du Christ. De l’usage du trampoline.
« Tara….Tara…, personne ne pourra jamais m’enlever Tara « , s’écrie Scarlett. Le sang des grands propriétaires terriens ne fait qu’un tour. Et tous ces millions d’êtres humains vivants dans des petits appartements exigus. Quelles étendues peuvent-ils invoquer ?
Je regarde les livres dans une librairie comme autant de doses à m’inoculer sur-le-champ.
Des douleurs inconnues me traversent. A moi de les redistribuer à d’autres.
J’ai été tenté par un best of Tracy Lords. Une compilation certainement intrigante, mais sans doute est-ce déjà terriblement vieilli, désintégration du support vidéo, prises de vues conventionnelles. Faut-il attendre qu’elle prenne la stature d’une Betty Page ? Quelques grammes mythiques dans un corps industriel. L’argument paraît mince. Sans vouloir faire le difficile, je renonce. Ce n’est pas un objet désirable à l’achat. Je veux le trouver par hasard comme une jolie carte postale défraîchie, ou en supersoldes dans un hypermarché, inévitable destin du cul.
Cette capacité qu’elles ont à se faire passer avant elles-mêmes.
Un café où systématiquement, quand je passe prendre un espresso, le garçon vient balayer sous mes pieds.
Ouvrir une discothèque, ouvrir un compte en banque. Revendre ses fourrures, une première impression, un succès d’estime. Il faut choisir vite avant d’immerger les fleurs, se plonger dans une série molle, accorder de l’importance aux initiales, reconstituer les collisions frontales.
Attendre des réponses. Est-ce vraiment un travail à plein temps ?
Une bonne nouvelle, c’est comme une évidence qui s’effondre. Une mauvaise, l’évidence reconduite.
Conduire sur l’autoroute avec l’esprit bien à sa place, les pneus gonflés d’air. Le cerveau et les pneus solidaires.
Son rire traverse son corps, en rafales sécables. Plutôt un projectile venu se localiser allusivement vers le sexe. Il faudra faire avec. Toutes les stratégies iront patiner dessus. Rien ne pourra dépasser ce rire, rien de vraisemblable. C’est déjà la référence absolue. Le déclencher passera pour la maîtrise d’un code, ne pas le faire presque une incartade. La hauteur d’homme sera tout simplement indexée à la nudité de ce rire, mais tout sera en dessous, fatalement, rien en dessus, accidentellement, surtout pas accidentellement. Jusqu’au jour où le rire trahira sa densité, les atomes qui en constituent la matière et le sens. Ce sera la fin et un changement d’époque obligatoire.
J’imagine des gens en train d’écrire des poésies, ici, maintenant, fin du vingtième siècle. Des gens qui n’ont plus rien à perdre. Des immigrés venus de l’Est se constituer prisonniers de l’Occident. Ce n’est qu’une apparence. Non pas qu’ils aient une chance de s’organiser en mafia et réseau de prostitution. Ils deviendraient les victimes faciles de leurs propres ressortissants exilés. Et puis subitement ils publieraient des poèmes inouïs. L’Occident en ferait les stars d’un genre sauvé in extremis. Ces choses-là arrivent parfois quand on passe d’une civilisation à une autre, mais il faut beaucoup de chance pour se saisir du transfuge miraculeux.
Je suis passé devant le cinéma et me suis arrêté net sur l’affiche du film “ Orlando ”. La personne qui incarne le caractère me rappelle fortement une rencontre new-yorkaise dont je n’ai de loin pas fait le tour. Quelque chose me dit que je dois lire le livre avant de voir le film. D’habitude, je suis totalement indifférent à cet artifice procédurier. Une librairie fait l’angle face au cinéma. J’achète le livre et le lit dans l’après-midi. J’achève la dernière page et m’enfile dans la salle obscure. C’est un illusoire fondu- enchaîné texte-image.
Le film se termine. Il fait complètement nuit. Je ne sais pas trop quel nom porte ce genre de journée. Mais Orlando, je la connais. J’ai encore le goût de sa fente aristocratique dans la bouche. Sa voix s’y mélange comme un vibrato profond superposé au plaisir de la surface astucieuse. Je compose son numéro à douze chiffres de Manhattan et lui raconte l’affaire.
Tous les éléments semblent parfaitement à leur place. Les incrustations spatio-temporelles alimentent notre conversation relayée par satellite. Nous promettons d’hypothétiques visites et raccrochons.
Sans doute prenons-nous un soin extrême à ne pas perdre une goutte de la substance de l’autre. Nous nous rappelons des détails insensés, des faits et gestes qui ont duré un quart de seconde. Il en existe des répliques une décennie plus tard. Nous enregistrons définitivement des événements qui ont donné lieu à des collisions nucléaires dans la pensée. Nous redécouvrons sans cesse l’infiniment petit. Il continue de mobiliser la fine lame énergétique. C’est un laboratoire clandestin, dans nos murs.
A New-York on est en enfer, mais on y est avec un dieu. Un des rares qui circule en taxi.
Une certitude tout de même. C’est la télévision qui déclenchera la Troisième Guerre Mondiale.
Enquête aux USA. Fallait-il libérer la femme ?
Nuit dans un célèbre club chic local. Comme je les aime ces poupées Barbie moyen-orientales, cokées jusqu’à l’os, foutues de tortionnaires internationaux à Ray Ban, de joaillerie prestigieuse, de Libanais en tous genres, mafieux jetsetiques puant la finance et la Jag vitres teintées.
Ma collection de fumetti italiens, belges et français trouve des applications diverses. La dernière en date est sans doute la plus naturelle. Invité pour installer une vitrine à un carrefour fréquenté de la ville, je les ai disposés sur quatre étagères en verre, éclairés jour et nuit par deux néons dissimulés. Les couvertures de ces BD années soixante cataloguent des détails et des astuces saisissantes.
Les interdits obligent les peintres à contourner la représentation du sexe, à tel point qu’ils en rajoutent insidieusement partout. Les couleurs saturées, la violence archétypale et rampante, la perfection mammaire des adolescentes, prennent des proportions incontestablement salaces.
On traite les innocentes comme des chiennes, on viole les vierges, on tue les gentils et les bien intentionnés. La nature ne connaît que le consentement. Aucune dignité, aucun sentiment noble ne résiste au réalisme dévastateur. Les partouzes de lolitas intronisées lesbiennes confirment l’ambiance générale. Elles s’inclinent devant les gentilles filles à l’oeil vif, agrafées en série sur des fils de bonne famille, tous régulièrement vidangés de leur contenu, assassinés à toutes les sauces.
Tout ce marquage excessif de la médiocrité encourage un exotisme insultant. La vulgarité se porte au secours des velléités de bienséance comme un parfum bon marché essaie de singer une marque prestigieuse. Les péchés judéo-chrétiens sont stigmatisés par un lyrisme pictural toujours naïf, dérisoire et régressif. Cela n’empêche nullement les allégories fleur bleue, le naturalisme enchanteur, les métaphores sirupeuses bouffies d’ingénuité feinte. Tout renfort magique est le bienvenu, mysticisme de pacotille, anthropomorphisme hébété, sentimentalité grotesque. Ici, on prépare la cruauté des châtiments célestes ou terrestres, sans distinction.
La violence hystérique se dégonfle dans des gesticulations parfaitement niaises. Vomissures et prince charmant se croisent. La femme est stupide, immature, insatiable et perverse. L’homme est bête, méchant, moche et lâche. Le miracle tient. Le monde baise dans l’ignorance de la logique la plus élémentaire. La perfection charnelle renvoie aux pires afflictions. L’esclave possède le maître, le nain chevauche la géante. Jamais d’angoisse, seulement la surprise de l’innommable, jamais de suspense, seulement la sauvagerie du fait accompli.
C’est un monde parfaitement lisse et insignifiant, indexé à la loi de la jungle considérée comme le mode d’échange le plus simple. Tout est évident mais tout s’avère impossible, d’où l’usurpation constante d’un code élastique à souhait, accommodable à l’infini. Une grande part est laissée à l’invraisemblable. Les femme-enfants aux rondeurs hypertrophiées découvrent la lubricité. Faux fruits du hasard, puisqu’elles s’y consacrent . La censure interdit la représentation du sexe, mais c’est le seul interdit. Aucune autre limite n’a été fixée. La jouissance peut s’étaler de la manière la plus grotesque et débile. Ce qui explique le plaisir déraisonnable pour des prétextes inexistants. On s’engouffre dans le délire paradoxal. Les mots, les expressions, les gestes et attitudes aspirent le sexe endémique et cherchent à s’en rendre malade par tous les moyens.
On se guérit facilement d’un léger travers ou d’une maniaquerie. Encore faut-il lui délivrer un statut. Pourquoi pas architectural. L’occasion de prendre au sérieux ce rituel — mauvaise habitude latente — arpenter les librairies, vidéothèques, jusqu’au choix de la victime. J’ai récemment lu, vu, deux cents titres selon ce procédé plutôt irrationnel. Ensuite, j’ai construit deux étages supplémentaires à ma bibliothèque et compressé au maximum l’espace pour les livres. Ainsi, j’exprime tout le jus de cette tendance vicieusement biologique. Elle va de la compensation à la collectionnite et du désoeuvrement au travail sur le shopping, le tout sur le modèle de la villégiature. Rien de plus simple que réussir un antidote sous forme publicitaire. Il faut changer les obsessions. J’imagine qu’elles ont toutes une date limite inscrite au verso de l’emballage. Seraient-elles trop précieuses, trop signées ?
Alerte à Malibu. Une série télévisée qui prend l’océan pour un boulevard, avec pollueurs et gangsters, trafiquants et preneurs d’otages. Grâce à l’effort physique, tous les problèmes s’évaporent. On est convaincu de la sphéricité de la plage ou de la planète. La caméra pourrait filmer n’importe quoi, le résultat serait meilleur. L’eau, l’asphalte ont la même consistance et le sexe tamponne d’hypothétiques éclaboussures.
Rien à voir avec la mer. La culture physique coupe automatiquement les poils pubiens indésirables. On s’attarde tout de même sur les swimsuits. Ils entrent dans la raie du cul, urgence du dédoublement fessier, écho direct au ballon de volley punché d’est en ouest.
Le sable s’excuse de n’être qu’un faire-valoir. Certaines musculatures paraissent d’occasion. C’est toute la beauté des arrosoirs et des peluches. Surtout ne rien changer. Un horodateur mammaire hante la plage.
Dieu est dans la cuisine. Il circule via l’électroménager, palpe l’aluminium des ustensiles, ouvre un placard, le referme. Il passe dans la salle de bain, scrute avec précision toutes les souillures, se reconnaît dans le tartre comme s’il en était le dépositaire. Il a sa propre marque d’excréments et son label d’urine homologué. Il passe dans le couloir, fait craquer les lames du parquet. Il sait que là est sa place, parmi les brosses à dent, le détergent, le linge sale, le bruit de ventouse du réfrigérateur. Le déodorant l’auréole, les traces de caca élargissent son horizon. Il réapparaît dans la cuisine, fouille les ordures et trouve l’invitation pour sa soirée. Il ne va jamais dans le salon, tient ses distances. Il craint les ambiances agréables. Quant à la chambre à coucher, rien qu’à la vue il déchante. Il est condamné à passer des chiottes à l’évier, chemin de tous les miasmes. Il trouve là le bonheur qu’il convoite Un défilé de mode. Beaucoup de transparence. Un sexe rasé aperçu. Et déjà la mode n’a plus de nom.
Squatters. Certains avec portable Nokia, fils d’avocats, d’architectes, de médecins, théoriciens un peu bagarreurs des minimums vitaux snob. D’autres plus catholiques, bienséance alternative subventionnée par l’impôt sur le consensus, sociabilité exemplaire, déjà propriétaires. Tous boivent de la Heineken. Adorables, gentils comme tout.
Il n’y a pas de logique, il n’y a que des semi-conducteurs.
Microgynon 30 — Triquilar — Diane 35 — Cilest — Ovysmen 0,5/35 Neogynon 21 — Milvane — Microgynon 50 — Stediril 30 — Gynera Sequilar 21 — Trinovum — Minulet.
Beaucoup de tendresse pour les femmes qui fréquentent les hommes pour leur argent, leur situation, leur prestige. Elles sont incertaines. Elles se donnent, se sacrifient, se vendent. Leurs penchants semi-conjugaux sont des gages de disponibilité, l’assurance d’une certaine fraîcheur, une allégeance à la faillibilité mise à disposition des actionnaires.
Il y a deux solitudes. Celle qui fait se sentir unique, celle qui unifie le sentiment. Les deux sont autocollantes.
Appartement d’Elle. Je constate que nous avons peint du même bleu, elle ses deux alcôves, moi, ma chambre. Partagerions-nous également le goût des cadres dorés, des cadres vides ? Une étincelle très intense passe parfois dans ses yeux. Le rythme de notre discussion n’est pas très clair. Les danseuses prennent souvent des positions assez intéressantes dans la perspective d’un mouvement usuel. Téléphoner, lire, se pencher pour ramasser un objet, se poser dans un canapé. Ce mélange de technique et d’érotisme tenseur fustige l’élégance. Les courbes sont toujours réussies, les proportions justes. Je la quitte sans me souvenir vraiment de ce que nous n’avons pas fait.
Elle est assise. L’angle du lit lui sert de promontoire. Elle a écarté ses jambes format panoramique. Comme tous les matins, elle recommence pour les besoins de la cause. Identique écart, même axe. Sa main se pose. Automatiquement, elle amorce les mouvements circulaires qui vont la mouiller progressivement. Si les gestes sont machinaux, ils ont l’air terriblement personnels, presque une signature. Il a préparé la seringue. Il attend. Aucune intervention de sa part ne s’impose. Il la regarde, essaye de ne pas trembler. Elle va vite. On dirait quelque chose d’unique en son genre malgré le registre hélicoïdal simplifié.
Les larges cercles décrits par plusieurs doigts resserrés sont relancés impulsivement à partir d’un point de non-retour, un arrêt ou plutôt une arête, pour aussitôt déclencher le tournus. Tout se précise, les sécrétions abondent, éclairent, renvoient la lumière.
Il pose la pointe de l’aiguille à l’embouchure du sexe en veillant à ne pas heurter le passage séquentiel. Bien sûr il évite de la piquer. C’est ce qu’il croit. Parfois il descend dans la région de l’anus, là où un début d’accumulation s’opère. La configuration permet d’aspirer des petites quantités de sucs un peu partout.
Il voyage délicatement dans toutes les zones de l’organe désormais très étendu. Il pompe le liquide, un microlitre après l’autre. Il constitue patiemment une dose suffisante, puis se l’injecte directement dans les veines.